Internet est aujourd’hui utilisé comme une arme d’influence par beaucoup pays. Chine, Qatar, Russie, tous ont à leur disposition leurs médias et leur communicants et tentent d’influencer l’opinion publique étrangère en leur faveur. Comment analyser ce phénomène ? Peut-on s’en protéger ?
Le rôle d'internet
Si internet a joué un rôle clé dans l’influence du soft power des pays étrangers, il n’en est évidemment pas la cause. Des tentatives d’influence ont toujours existé, par la diffusion de livres, de journaux, ou encore par le cinéma ou la musique. On parlait souvent de propagande, au sein de laquelle l’intention politique de l’auteur était plus ou moins clairement affichée. Comme on a pu le voir lors de la seconde guerre mondiale et la guerre froide, les journaux de l’URSS ou les films américains ont par exemple affiné leurs techniques d’influence et de propagande. Actuellement, internet est surtout utilisé en ce sens car c’est l’endroit où la diffusion de l’information est la plus rapide et où son contrôle est le plus difficile
Entre l'objectivité et la post-vérité
Une information peut-elle être neutre politiquement ? Peut-être. Cependant, il y a un large consensus sur le fait que mettre en avant certaines informations plutôt que d’autres peut permettre d’influencer l’opinion. C’est pourquoi la loi française différencie sur internet le statut d’hébergeur et le statut d’éditeur.
Un hébergeur sur internet n’a pas le droit de mettre en avant certaines données plutôt que d’autres. Il doit être neutre. (exemples : OVH, Dropbox, WeTransfer, et tous les services de stockage en ligne)
Dès qu’un service sur internet met en avant certains contenus plutôt que d’autres, même s’il héberge des contenus, il n’est juridiquement pas considéré comme un hébergeur mais comme un éditeur. Sa responsabilité juridique peut alors être engagée sur sa ligne éditoriale (exemples : YouTube, Facebook, Twitter, Spotify, Deezer, AlloCiné, JeuxVideo.com, Madmoizelle…).
Cette différence est d’ailleurs au cœur de beaucoup de polémiques concernant les algorithmes opaques des grandes plateformes utilisés pour mettre en avant certains contenus plutôt que d’autres.
Il sera donc difficile de demander à un média d’être totalement objectif. Si nous prenons par exemple le journal télévisé du soir, il n’aura pas le temps de traiter tous les sujets. La rédaction devra donc faire un choix entre les sujets qu’elle pourra traiter et celles qu’elle ne peut pas traiter. Ce choix est obligatoirement arbitraire, et sera fait en fonction de critères subjectifs. Que ce soit pour un journal télévisé ou pour un site d’information.
Pour prendre un exemple français, il est souvent reproché aux médias français de ne pas assez parler du cas de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks. Certains internautes estiment que ce sujet est d’une importance primordiale et devrait être mis beaucoup plus en avant. C’est dans cette faille que les puissances étrangères vont se glisser. Vous verrez par exemple beaucoup de sujets sur Julian Assange sur la chaîne de télévision Russia Today qui en profitera pour conquérir un nouveau public.
Cependant, la subjectivité ne doit pas conduire à un rejet des analyses au profit des seuls faits. Un des devoirs fondamentaux des journalistes est de respecter le contradictoire. Ainsi, un journaliste, s’il peut mettre en avant un point de vue plutôt qu’un autre dans un article, est quand même tenu autant que possible de donner la parole à tous les points de vues différents. Notons que certaines personnes refusent parfois d’exprimer leur point de vue et que la contradiction pourra parfois se résumer à : « Contacté, monsieur X n’a pas souhaité répondre à nos questions ».
L'abus de la subjectivité conduit à la désinformation
Il s’agit probablement d’un des enseignements majeurs du mandat de Donald Trump à la tête des USA, de la chaîne d’information Fox News, aux théories du complot QAnon. Se cachant derrière la subjectivité, certaines personnes malhonnêtes en profiteront pour piétiner la contradiction. On retrouvera cette astuce de masquer la contradiction de manière plus ou moins subtile dans les médias dont l’objectif n’est pas d’éclairer le lecteur mais de le perdre dans des conjectures.
Comment se défendre ?
- Concentrons nous sur les faits. L’analyse politique des journalistes a de l’importance mais elle doit pas s’écarter des faits, ni les déformer voire les occulter. Si vous constatez que l’article s’éloigne des faits, posez vous les bonnes questions : L’article que je lis est-il en train d’essayer de m’influencer ? Est-il financé par un pays ? Un parti politique ? Une entreprise ? Ou au contraire le journaliste essaie-t-il de se rapprocher de l’objectivité ? A-t-il pour objectif premier de m’apporter une information factuelle pour que je puisse me construire ma propre opinion ?
- Valorisons le journalisme d’investigation plutôt que le journalisme de lobbyisme ou de facilité qui consiste souvent à relayer des informations sans en avoir vérifié la réalité, la source et la provenance.
- Vérifions et croisons les sources. Une information parue dans un média financé par un pays étranger n’est pas forcément fausse, une information parue dans un média français n’est pas forcément vraie. Apprenons à faire nos recherches et à vérifier la qualité de nos informations.
Il est important pour se défendre de confronter les faits, les analyses, les opinions, et de les faire évaluer tant par des spécialistes que par la société civile. Le réseau social d’opinion Qwice est conçu dans cette optique. Cliquez ici pour plus d’informations.